Bilan de ce que j’ai appris au sujet de la qualité…
Mon mandat de cinq ans à titre de président-directeur général de Qualité des services de santé Ontario touche très rapidement à sa fin. Je suis probablement un peu nostalgique et introspectif de nature et ce temps de transition m’a donc amené à réfléchir à ce que j’ai appris au cours des cinq dernières années sur l’amélioration de la qualité (AQ).
Pour ce qui est du contexte, il est bon de savoir que, même si j’ai probablement apporté un certain ensemble de compétences et de connaissances utiles au poste de PDG, je n’avais pas une expérience approfondie ni une formation officielle en AQ. Ces réflexions ne portent donc pas sur une vie (ou des décennies) de réflexion sur l’AQ, mais bien sur les dernières années.
Pour être clair, il ne s’agit pas d’une réflexion ou d’une volonté de résumer l’excellent travail que QSSO et ses partenaires ont accompli au cours des cinq dernières années. Il s’agit plutôt d’un regard personnel sur ce que je considère comme des thèmes clés dans le domaine encore émergent et en évolution rapide de l’amélioration de la qualité des soins de santé.
Je reconnais que j’ai déjà publié certaines de ces idées dans d’autres blogs. De plus, une série récente de commentaires (qui ne forment pas vraiment un discours), lors de la remise des diplômes d’une cohorte IDEAS, ont également abordé certains de ces thèmes. Toutefois, je peux aussi dire sans risque de me tromper que je n’ai jamais rassemblé toutes ces idées en un seul endroit et que c’est de loin le plus long blog que j’aie jamais écrit. En fait, d’après Pat Rich, qui m’a aidé à éditer ce texte, j’aurais dû l’intituler « Le long adieu ».
En guise de simple procédé littéraire, je vais regrouper ces idées en « 8 P ».
Précision – L’un des défis les plus frustrants que j’aie eu à relever au cours de mes premiers mois à HQO a été de reconnaître que le terme « qualité » était utilisé partout, mais qu’on lui donnait des sens très différents, allant du très étroit au générique large et aux nombreuses permutations entre les deux. Au cours de ma première semaine, le chef d’une association provinciale de soins de santé m’a mis au défi de faire appel à Qualité des services de santé Ontario pour aider à résoudre ce problème.
HQO a demandé à un groupe impressionnant de leaders et de penseurs de nous aider à nous attaquer à ce problème et ils ont créé le Quality Matters framework, adoptant l’approche de l’Institute of Medicine (maintenant la National Academy of Medicine) qui définit la qualité comme ayant six dimensions. À QSS, nous sommes efforcés de faire de ces six dimensions, du cadre conceptuel et de la carte routière d’appoint une référence provinciale pour les initiatives d’amélioration en matière de qualité.
Persévérance – L’un des exemples classiques de l’amélioration de la qualité (il suffit de chercher des exemples sur Internet illustrant l’amélioration de la qualité), c’est le cycle PDSA (Plan, Do, Study, Act). Et presque inévitablement dans cet exemple, on peut voir de trois à cinq de ces cycles qui progressent à la hausse de façon satisfaisante. Il y a une grande vérité dans cette illustration. L’amélioration de la qualité n’est pas un acte ou un effort unique, mais plutôt de nombreux efforts accompagnés d’une discipline et d’une science de la réflexion après chaque initiative, et d’un calcul minutieux avant d’entreprendre la prochaine.
L’image classique de ces cycles ascendants implique également une profonde méprise. On s’imagine que chaque cycle mène à une amélioration. Ce n’est pas vrai. La plupart des programmes d’AQ ne témoignent pas d’une croissance progressive, mais se soldent souvent par un échec. De nombreux projets d’AQ n’aboutissent jamais et, parmi ceux qui aboutissent, presque tous connaissent de réels échecs en cours de route. Mais l’échec n’est pas mauvais en soi et contient en lui les graines d’une amélioration future.
En ne parlant pas davantage de la réalité de l’échec, nous ne préparons pas nos équipes, nos gestionnaires et nous-mêmes à faire preuve de résilience face à l’échec. Je suis très fier du fait que Health Quality Ontario, en partenariat avec le Women’s College Hospital, a organisé l’une des premières conférences sur l’échec. Nous devons être « préparés à l’échec » pour entreprendre l’AQ.
Paiement – C’est là toujours à la fois un sujet délicat, controversé, et incontournable. Il ne fait aucun doute que les efforts d’AQ peuvent coûter de l’argent, mais il est également clair que nous ignorons encore beaucoup de choses quant aux meilleurs modèles de paiement à adopter vis à vis des particuliers ou des systèmes de manière à motiver efficacement les initiatives d’amélioration. En général, nous ne sommes pas en mesure de recueillir le fruit des efforts investis en matière d’AQ, car les bénéfices qui en découlent peuvent se manifester des mois ou des années plus tard, voire dans d’autres secteurs du système de santé que ceux où les initiatives d’AQ ont été entreprises. Il nous faudra poursuivre nos recherches sur les modèles de paiement qui appuient adéquatement l’AQ.
Payer au suivant – Bon, je triche un peu pour que ça colle. Par « payer au suivant », j’entends la possibilité qu’un projet d’AQ dans une partie du système puisse être reproduit dans une autre. On peut aussi souvent appeler cela « expansion et renforcement » (et non « payer au suivant »), et c’est l’un des plus grands défis de l’AQ. Je suis de plus en plus convaincu que, pour presque tous les problèmes de santé, il existe un groupe ou une organisation, si ce n’est en Ontario, plus généralement au Canada ou à l’étranger, qui aura trouvé une façon innovatrice et efficace d’y répondre de façon concrète. Cependant, le défi qui se pose à nous (et aux systèmes de soins de santé du monde entier) est de savoir comment reproduire efficacement ces réussites. À bien des égards, c’est le « nœud gordien » de l’AQ. Bien qu’on ne puisse parler d’épée de Damoclès au dessus de nos têtes, des programmes tels que ARTIC et d’autres représentent des tentatives de résoudre le problème. Cela demeurera une priorité majeure pour que l’AQ réussisse à une échelle représentant un mouvement important sur le plan des paramètres clés.
Préparation – L’amélioration de la qualité et l’application de la science de la mise en œuvre sont une tentative délibérée d’utiliser un ensemble bien défini de tactiques, d’habiletés et de connaissances. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que le système de soins de santé s’améliore sans équiper une masse critique de personnes qui possèdent ces capacités et ces connaissances. Je compare souvent cela au changement dans le domaine médical, en vue d’adopter une médecine fondée sur des données probantes. Nous avons dû changer radicalement nos systèmes d’éducation pour que les médecins puissent enseigner les techniques de l’évaluation critique. Aujourd’hui, il y a davantage de programmes disponibles pour enseigner l’AQ (allant de sessions de quelques heures jusqu’à des programmes de doctorat complets)... et ils sont souvent sur-comblés. Toutefois, quand on pense aux centaines de milliers de personnes de première ligne et aux gestionnaires des soins de santé, il me semble entendre le Dr Ross Baker, gourou de l’amélioration au Canada, dire que nous en sommes encore à une « dose homéopathique » de formation.
Prestataires – Lorsque j’ai commencé à travailler à Qualité des services de santé Ontario, j’ai vite été mis au courant de Triple Aim, de l’Institute for Healthcare Improvement (IHI), comme représentant l’objectif ultime des activités d’AQ. Par la même occasion, j’ai commencé à entendre des commentaires de la part de professionnels de la santé à l’effet qu’ils voyaient souvent l’AQ comme un fardeau et certaines initiatives d’AQ comme ayant un caractère punitif. Cela n’est certes pas la recette de l’engagement ou du succès à long terme pour un mouvement qui repose sur les efforts des professionnels de la santé de première ligne. En 2014, j’ai lu un article important préconisant, en plus d’améliorer l’expérience des patients en matière de soins, d’améliorer la santé des populations et de réduire le coût des soins de santé par habitant, que nous devrions ajouter un quatrième élément de manière à améliorer l’expérience des donneurs de soins de santé. Un bon travail d’AQ sera perçu comme « le travail » et non comme un « surcroît de travail » et devra mobiliser de manière constructive les professionnels de la santé. C’est de plus en plus important alors que, de plus en plus, nous entendons parler de l’épuisement professionnel chez les médecins, les infirmières et d’autres personnes. En outre, il est extrêmement important de reconnaître que les prestataires de soins incluent également les légions de donneurs de soins non rémunérés, qu’il s’agisse de la famille ou des amis, qui peuvent être des facilitateurs extraordinaires de l’AQ mais qui souffrent aussi d’épuisement professionnel et de faible motivation.
Patients – Le partenariat avec les patients doit faire partie du processus d’amélioration des soins de santé. Au cours des cinq dernières années, cela est devenu la norme plutôt que l’exception. À QSSO, nous avons rassemblé et conçu un certain nombre d’outils et de ressources qui permettent à toutes les personnes vivant en Ontario de participer à leurs soins et qui contribuent à faciliter les partenariats entre patients, familles et prestataires de soins. Toutefois, nous en sommes encore au tout début de l’engagement des patients dans l’AQ. Par exemple, nous ne savons pas toujours quelle est la meilleure façon de favoriser un engagement significatif (et non symbolique) de leur part et nous n’avons souvent pas assez de diversité parmi les patients avec qui nous travaillons.
Philosophie – L’une des plus importantes zones de tension et de confusion que j’aie relevées se situe entre la philosophie de l’amélioration, celle de l’assurance de la qualité et celle de la gestion du rendement. Bien que ces trois termes soient souvent utilisés de façon interchangeable, il s’agit en fait d’approches très différentes en ce qui a trait à la gestion et à l’évaluation des soins. Bien qu’il y ait un certain chevauchement entre ces trois approches, elles nécessitent généralement différents types de données, utilisent différents ensembles d’outils d’analyse et privilégient des points de vue différents. Toutes trois ont un rôle à jouer dans les soins de santé. Nous devons toutefois tenir compte de leurs différences. Nous devons être conscients de la philosophie que nous souhaitons privilégier dans une situation donnée et de la façon dont ces philosophies peuvent coexister dans un certain équilibre.
Pionnier – Je suis encore frappé par le fait que, malgré tous les écrits, les discussions, les initiatives, les conférences, etc., l’AQ est encore à l’état relativement embryonnaire dans le monde des soins de santé au Canada. Nous en sommes encore à la première étape de discussions généralisées et d’une formulation claire de ce qu’est l’AQ en Ontario et au Canada. Le rôle de pionnier peut être très excitant, mais c’est aussi intimidant.
Nous devons reconnaître que nous en sommes encore aux premiers stades de l’amélioration par rapport à d’autres industries et nous devons être prêts à essayer différentes approches, à faire preuve d’enthousiasme face à l’incertitude, à appliquer la rigueur scientifique à nos efforts et (selon mon commentaire sur la persévérance ci-dessus) être prêts à échouer et à faire preuve de résilience face à cet échec.
Il faut également célébrer les pionniers, les rassembler et leur donner un sentiment d’appartenance à une communauté. Des contextes en ligne tels que Quorum, ou encore nos congrès annuels tels que Transformation Qualité de la santé et le Forum sur l’amélioration de la qualité et la sécurité des patients 2018, ont permis aux pionniers de partager des histoires, d’acquérir de la sagesse et d’envisager le prochain nouveau défi à relever.
Personnes – Je sais, j’avais promis sept "P" et nous en sommes au moins au huitième sinon plus... mais c’est aussi celui qui me restera le plus en mémoire. La communauté de ceux qui se sont engagés à améliorer notre système de soins de santé est très spéciale. Ce sont des gens de tous les milieux et de tous les coins de notre système. Ce sont ces personnes qui partagent une passion (voilà, j’insère un dernier mot en P) profonde et durable pour créer des soins de santé de qualité en Ontario. Ce sont ces gens qui pensent que notre système de soins de santé est excellent aujourd’hui, mais que demain – d’une manière ou d’une autre – il faut le rendre encore meilleur.