Progrès des portails des patients
Une conversation entre Alies Maybee et Anna Greenberg
Anna Greenberg : Une des plus importantes lacunes des soins de santé aujourd’hui est la ligne de partage entre le désir qu’ont les gens à accéder à leurs propres dossiers médicaux et leur capacité à le faire. Selon un sondage d’Inforoute Santé du Canada de 2018, 74 % des résidents de l’Ontario qui n’ont actuellement pas d’accès aimeraient avoir un accès électronique à leurs dossiers médicaux, et seulement 31 % ont actuellement accès à leurs propres dossiers médicaux.
Une des façons les plus pratiques d’offrir aux patients l’accès à leurs renseignements médicaux est par un portail des patients. Ces portails existent depuis plus d’une décennie aux hôpitaux mêmes et ils sont devenus plus courants; par contre, seulement pour fournir des renseignements d’un seul établissement.
Selon le portail, les patients peuvent consulter :
• Les notes du médecin, l’historique médical personnel et le dossier des médicaments;
• Les résultats des examens et des analyses du laboratoire;
• Les détails des rendez-vous;
• Le moyen de communiquer électroniquement avec votre médecin;
• Des renseignements médicaux et de santé généraux.
Dans notre propre comité consultatif des patients et des familles, seuls quelques membres ont déjà consulté de tels portails. Ceux qui ont pu le faire nous ont dit que cet accès fait toute la différence. D’autres ont parlé des difficultés à rassembler ce type de renseignements eux-mêmes.
Alies Maybee : Récemment, j’ai assisté à une conférence organisée par Inforoute Santé du Canada où Julie Drury, présidente du Conseil consultatif des patients et des familles des ministres de l’Ontario, a décrit les défis liés à a compilation et à la gestion des renseignements concernant les soins donnés à sa fille à divers hôpitaux. Elle a montré l’énorme quantité de cartables de renseignements médicaux qu’elle a dû transporter pour rester au courant. Et cela remonte seulement à quelques années. Je crois que les portails des patients offrent la possibilité d’alléger considérablement le fardeau, mais les portails doivent permettre aux patients d’avoir accès à plus que leurs renseignements et d’être mieux connectés entre eux lorsqu’ils proviennent de différents milieux de soins.
Anna Greenberg : La Nouvelle-Écosse, le Québec et l’Alberta ont déjà lancé ou sont en voie de lancer un portail provincial des patients avec différents degrés de fonctionnalité. Bien qu’un portail des patients à l’échelle de l’Ontario n’existe pas dans la province, un certain nombre d’hôpitaux et de principaux réseaux hospitaliers ont leurs versions de portails et au moins un laboratoire médical privé permet aux patients d’avoir accès à leurs résultats en ligne. Malgré tout, les données les plus récentes de 2016 indiquent que seulement 6 % des patients en Ontario peuvent accéder à leur propre dossier médical électronique.
Alies Maybee : Je crois comprendre qu’il existe plusieurs portails des patients dans le Grand Toronto à lui seul. Actuellement, j’utilise de mon côté des portails des patients différents aux deux hôpitaux que je fréquente. Mon troisième hôpital n’offre pas de portail des patients. Il existe donc deux versions numériques de moi, mais aucune d’elle ne me représente de la façon dont je me comprends dans un contexte médical global. Il semble que les portails des patients les plus récents ne soient pas en mesure de partager l’information. Les portails des hôpitaux sont bien distincts des portails qu’un médecin de premier recours peut offrir. Dans mon cas, le DME de mon médecin de premier recours peut probablement être consulté à l’aide d’un portail, mais cet accès n’a pas été offert. En tant que patients, nous avons besoin de renseignements provenant de l’ensemble des milieux de soins et de la capacité d’y avoir accès à l’échelle des administrations.
Anna Greenberg : Nous savons depuis un certain temps, grâce à des travaux de recherche, qu’il y a de nombreux avantages à pouvoir vérifier nos propres résultats de laboratoire, nos ordonnances et l’ensemble de notre historique médical. Ceux-ci comprennent l’amélioration des connaissances globales en santé, l’apaisement des inquiétudes, l’amélioration de la satisfaction et une amélioration des communications avec les prestataires de soins de santé. En plus, à mesure que les patients auront accès à leurs propres renseignements, nous pourrions nous attendre à avoir :
• des dossiers plus à jour et plus exacts en raison de l’examen et de la révision des patients.
• une sécurité accrue pour les patients si les patients et leurs médecins ont chacun un accès opportun aux résultats des examens importants.
• une meilleure prise de décisions en permettant aux patients de prendre une part plus active à leurs propres soins.
Alies Maybee : En ce qui me concerne, l’élément le plus précieux d’un accès au moyen du portail des patients est la possibilité de consulter les notes de mes spécialistes. Sa valeur est reflétée dans l’initiative OpenNotes qui encourage les prestataires de soins de santé à partager les notes qu’ils ont prises lors de la visite d’un patient. De plus, je peux recevoir les résultats de mes analyses de laboratoire au moyen d’un portail et les comparer à des résultats normaux. Je peux également inscrire mes rendez-vous médicaux dans le portail, même si je dois encore téléphoner pour les prendre ou les modifier.
Anna Greenberg : Une des difficultés liées à la conception et à l’optimisation de l’utilisation des portails des patients a été la préoccupation des cliniciens quant à l’accès des patients aux résultats de laboratoire et d’examens, ou aux rapports des spécialistes que les patients peuvent ne pas comprendre ou mal interpréter. Certains portails ne permettent pas l’accès à ces résultats avant que le patient ait eu la chance de rencontrer son médecin et d’en discuter. Les médecins sont aussi préoccupés à l’idée de permettre aux patients de mettre à jour leurs propres dossiers médicaux ou d’ajouter d’autres renseignements médicaux ou de santé qui peuvent ne pas faire partie du dossier du médecin. Cependant, les sondages auprès des médecins de premier recours indiquent que la plupart d’entre eux estiment que ces craintes ne sont pas fondées. Certains médecins sont également préoccupés par le caractère opportun et la fiabilité d’une telle information.
Alies Maybee : De nombreux cliniciens croient toujours que les renseignements médicaux au sujet d’une personne sont trop complexes pour que les patients les consultent, et par conséquent, ils ne devraient pas les partager. À mon avis, cette façon de penser est un peu paternaliste. Comme pour bien des gens que je connais, je suis parfaitement capable de comprendre ce que je ne peux pas comprendre moi-même. Et je peux aussi faire des recherches et me renseigner. Je crois aussi que les patients doivent pouvoir voir ce qui se trouve dans leur dossier et demander que des erreurs de fait soient corrigées. Un autre point que j’aimerais soulever est le consentement. En théorie, un portail permet aux patients de sélectionner les personnes avec qui ils veulent partager leurs données de santé, que ce soit leur famille ou d’autres prestataires de soins comme les prestataires de services de santé non traditionnels.
Anna Greenberg : L’an dernier, les Drs Iris Gorfinkel et Joel Lexchin ont publié un article dans le Journal de l’Association médicale canadienne dans lequel ils proposent que les gouvernements provinciaux facilitent l’accès pour tous les Canadiens à leurs dossiers médicaux de soins primaires à l’aide d’un portail. Cette proposition a entraîné des discussions animées sur Twitter sur les avantages et des inconvénients d’avoir un portail unique des patients qui fonctionne avec plusieurs établissements et la façon optimale de le concevoir. Il n’y a pas de réponse simple lorsqu’on se demande pourquoi cela ne s’est pas encore produit et pourquoi les portails des patients ne sont pas utilisés à plus grande échelle malgré la demande des patients. Les coûts, la logistique, les questions touchant la protection de la vie privée et les facteurs culturels expliquent probablement cet état de choses.
Alies Maybee : Donner un libre accès aux patients à leurs propres dossiers médicaux et renseignements personnels sur la santé en ligne est une exigence fondamentale pour un système de solutions numériques pour la santé robuste. Lorsque les patients ont ce genre d’accès, ils peuvent être des consommateurs de soins de santé vraiment informés et des partenaires dans leurs propres soins de santé. Bien qu’il existe des défis logistiques et techniques liés à l’élaboration d’un portail des patients auquel je peux avoir accès n’importe où et en tout temps, je pense qu’il est impératif qu’une telle plateforme soit élaborée.
Nous voulons connaître votre point de vue sur les portails des patients. Joignez-vous à Alies Maybee (@amaybee) et Anna Greenberg (@AnnaGreenbergON) le 20 mars à 20 h (HE) sur Twitter pour une discussion sur les portails des patients à l’aide du mot-clic #HQOchat. Nous répondrons aux questions suivantes :
Q1 : Avez-vous de l’expérience avec un portail des patients, et si oui, quelle est votre évaluation?
Q2 : À votre avis, de quels appuis ou outils, le cas échéant, les patients ont-ils besoin lorsqu’ils accèdent à leurs propres renseignements médicaux?
Q3 : À votre avis, quelle est la fonction la plus importante d’un portail des patients?
a. Permettre aux patients d’avoir accès à leur dossier médical complet
b. Donner aux patients la capacité d’avoir accès aux notes de leur médecin
c. Afficher les résultats de laboratoire et d’examens en temps réel
d. Permettre aux patients de communiquer en toute sécurité avec leur médecin
e. Permettre aux patients de prendre des rendez-vous en ligne avec leur médecin
Q4 : Les patients devraient-ils pouvoir avoir accès à des renseignements médicaux sur un portail avant que leur médecin les ait vus?
Au plaisir de discuter de ces questions avec vous sur Twitter le 20 mars à 20 h (HE). Joignez-vous à nous à l’aide du mot-clic #HQOchat
Alies Maybee est une patiente conseillère pour de nombreux organismes de soins de santé en Ontario. Anna Greenberg est présidente intérimaire et chef de la direction de Qualité des services de santé Ontario