Faire participer les patients pour améliorer les soins primaires
Il y dix ans, je donnais naissance à mon premier enfant – une magnifique petite fille en parfaite santé.
Je me souviens encore de la première fois que je l’ai regardée dans les yeux et de mon expérience comme patiente, j’aurais aimé parler des moments que j’ai vécus, bons (excellent soutien à l’allaitement) ou mauvais (réveil à l’aube pour prise de tension). Mais je n’en ai pas eu l’occasion.
On apprend rarement aux médecins à réfléchir aux expériences des patients. Ce fut pour moi un grand moment de satisfaction quand j’ai réalisé qu’améliorer les résultats n’était qu’un élément du « triple objectif ». Améliorer les expériences des patientes et patients est un objectif tout aussi important.
Depuis 2014, chaque année, notre équipe de santé familiale (ESF) sonde les patientes et patients pendant le mois de leur anniversaire afin de comprendre et d’améliorer les expériences de soins. Au début, nous ne savions pas comment nous y prendre. Nous avons étudié les avantages et les inconvénients d'interroger les gens par courriel ou dans la salle d'attente et avons opté pour le courriel. Sonder les gens par courriel et étudier leurs réponses fait maintenant partie de notre routine.
Nous nous y sommes mis parce que Qualité des services de santé Ontario nous a demandé de le faire dans le cadre de notre plan d'amélioration de la qualité. Nous ne savions pas alors que ce sondage annuel aiderait à notre organisme à se lancer corps et âme dans l’amélioration de la qualité.
Ce faisant, nous avons appris que les patients pensent que nous leur consacrons suffisamment de temps et que nous les incluons dans la prise de décision concernant leurs soins. Cependant, certains nous ont aussi dit qu’il n’est pas facile de se faire soigner après les heures normales de travail, alors que nous offrons des soins en personne et au téléphone le soir et en fin de semaine depuis des années.
Ces rétroactions nous ont permis de nous concentrer sur nos efforts d’amélioration de la qualité. Par exemple, nous nous sommes familiarisés avec la cocréation fondée sur l'expérience et avons utilisé cette technique pour comprendre ce que pensent les gens de nos services après les heures normales de travail et de la façon dont nous les faisons connaître. Nous avons appliqué leurs recommandations et, ce qui n’est peut-être pas surprenant, le pourcentage de personnes qui ont indiqué qu’il est facile de se faire soigner par notre ESF en fin de semaine ou pendant les jours fériés a augmenté.
Nous nous sommes rendu compte qu’il est sans doute plus facile de nous améliorer si nous écoutons ce que les patients ont à dire et les faisons participer aux efforts d’amélioration.
L’an dernier, nous nous sommes associés à Mass LBP pour organiser une journée de participation des patients afin de préparer notre plan d’amélioration de la qualité. Nous avons envoyé un courriel à 10 000 personnes les invitant à passer un samedi avec nous pour trouver des moyens d’améliorer la façon dont se déroule une consultation médicale typique de l’ESF. À notre grande surprise, 350 se sont portées volontaires.
Parce que nous voulions que les participantes et participants soient représentatifs de notre patientèle, nous avons choisi 36 personnes au hasard en tenant compte de quelques caractéristiques démographiques. Nous avons passé la moitié de la journée à expliquer ce que fait notre ESF et l’autre moitié à écouter les suggestions des patientes et patients sur la façon de nous améliorer.
Les recommandations furent à la fois réfléchies et pratiques. Par exemple, les gens ont compris que les raisons pour lesquelles un médecin prend du retard en fin de journée sont nombreuses et hors de son contrôle. Alors, au lieu de dire que les attentes doivent être moins longues, ils ont suggéré qu’on leur dise simplement combien de personnes sont devant eux, et que nous mesurions les temps d’attente et en fassions un objectif d’amélioration.
Ils nous ont aussi clairement dit que nous faisons beaucoup de choses bien. Et lorsqu’un patient a déclaré qu’il faisait du bénévolat pour remercier notre équipe de tous les soins compassionnels qu’elle lui a prodigués au fil des ans, nous avons été nombreux à être émus aux larmes. Nous avons tous été touchés.
Nous avons l’intention de tenir une autre réunion publique dans un proche avenir, une fois que nous aurons étudié les recommandations issues de la première réunion. En attendant, nous continuons de faire participer les patientes et patients à ce que nous faisons. Cet automne, nous allons animer un groupe de discussion sur l’accès aux soins, question à laquelle nous consacrons beaucoup d’énergie, mais pour laquelle nous ne constatons pas beaucoup d’amélioration.
Travailler avec les patients n’est pas toujours facile. Les faire participer nécessite souvent des ressources humaines ou financières et, que nous nous engagions parfois dans de délicates conversations. L'évolution du rapport de forces peut aussi créer des moments de gêne de notre part. De plus, cela signifie aussi aborder des sujets qui seraient autrement peut-être passés sous silence.
Mais, en fin de compte, nous devons travailler avec les patientes et patients pour comprendre et améliorer leurs expériences et créer un système de santé de haute qualité. Et, égoïstement, c’est dans notre meilleur intérêt.
La DreTara Kiran est directrice de l’amélioration de la qualité et présidente du conseil de l’Academic Family Health Team de l’Hôpital St. Michael.