La douleur chronique est souvent définie comme une douleur qui dure plus de trois mois ou qui dépasse le temps normal de guérison des tissus4,5. Il est estimé qu'elle touche 1 Canadien sur 56.
En Ontario, les opioïdes sont souvent prescrits pour gérer la douleur chronique, mais le traitement aux opioïdes peut présenter un risque de préjudices considérable comparativement aux avantages à court terme qu'il pourrait procurer à certaines personnes. Au cours des deux dernières décennies, l'Ontario a observé une hausse considérable du taux de prescription d'opioïdes, jumelée à une augmentation rapide du nombre de décès, de consultations aux services des urgences et d'hospitalisations liés aux opioïdes, de même qu'à un accroissement de la prévalence du trouble de consommation d’opioïdes7. En 2015-2016, plus de 9 millions d'ordonnances d'opioïdes ont été écrites en Ontario et 1,94 million d'Ontariennes et d'Ontariens ont reçu des opioïdes8. Ce taux de consommation d'opioïdes est très élevé par rapport aux normes mondiales : le Canada présente le taux le plus élevé d'opioïdes prescrits mesuré en fonction de la quantité d'équivalents morphine délivrée, ainsi que le deuxième plus grand taux de prescription d'opioïdes par habitant en termes de doses thérapeutiques quotidiennes4. En Ontario, le taux de prescriptions d'opioïdes plus puissants, en particulier l'hydromorphone, a également augmenté considérablement au cours des dernières années8,9. Enfin, il existe un niveau surprenant de variation régionale inexpliquée quant à l'utilisation d'opioïdes à l'échelle de l'Ontario, le pourcentage de personnes auxquelles des opioïdes sont prescrits pour soulager la douleur allant de 11 % à 18 % d'une région des réseaux locaux d'intégration des services de santé (RLISS) à l'autre.
Les lignes directrices de pratique clinique actuelles ne recommandent pas les opioïdes comme traitement de premier recours pour soulager la douleur chronique. Les données probantes indiquent qu'une combinaison multimodale de traitements sans opioïdes, offerte dans le cadre d’une démarche multidisciplinaire, est souvent tout aussi efficace que les opioïdes pour gérer la douleur, tout en présentant beaucoup moins de risques de préjudices4. Les personnes souffrant de douleur chronique devraient avoir accès à des options de traitement appropriées choisies par leurs professionnels de la santé dans le cadre d'un processus de prise de décisions partagée. Ce processus devrait comprendre une discussion sur les
avantages prévus et les inconvénients potentiels des traitements avec et sans opioïdes. Essentiellement, les complexités de la douleur chronique font en sorte qu'une démarche de traitement biopsychosociale est nécessaire. Cependant, de nombreux professionnels de la santé qui traitent des personnes souffrant de douleur chronique, particulièrement dans les milieux de soins primaires, n'ont pas facilement accès aux autres types de services ou de spécialistes qui sont nécessaires pour mettre en œuvre une démarche multidisciplinaire, comme des psychologues, des spécialistes des dépendances, des physiothérapeutes et d'autres professionnels de la santé.
Bien que les opioïdes puissent être une option appropriée pour traiter la douleur chronique dans certaines circonstances, de nombreuses personnes en Ontario se voient prescrire des doses élevées, définies ici comme 90 mg ou plus d’équivalent morphine par jour. En 2016, le pourcentage d'ordonnances nouvelles d'opioïdes dont la dose initiale était de 90 mg ou plus d’équivalent morphine variaient de 2,0 % à 4,6 % d'une région de RLISS à l'autre. Les doses élevées d'opioïdes sont associées à un risque accru de surdose, en particulier lorsqu'ils sont combinés avec d'autres substances comme les benzodiazépines ou l'alcool5. Les patients qui prennent des doses élevées devraient obtenir le soutien de leurs professionnels de la santé pour participer à la prise de décisions partagée et ils devraient recevoir des soins continus pendant tout essai de sevrage ou d'arrêt du traitement aux opioïdes.
Des pratiques appropriées en matière de prescription d'opioïdes, y compris la diminution des doses et l'arrêt de la médication, de même qu'une compréhension des préférences et des valeurs des patients, peuvent contribuer à réduire le risque que les personnes souffrant de douleur chronique subissent les préjudices liés aux opioïdes. Les médecins de famille et le personnel infirmier praticien qui exercent dans le secteur des soins primaires jouent un rôle essentiel dans le soutien de la gestion efficace de la douleur chronique des patients. Les fournisseurs de soins primaires devraient obtenir du soutien pour qu'ils puissent développer les compétences dont ils ont besoin en vue d'entamer le sevrage et l'arrêt de la consommation d'opioïdes pour soulager la douleur chronique, ainsi que pour cerner et traiter un trouble de consommation d’opioïdes.